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Une extraordinaire "photo à couleurs" de l'époque d'une magnifique fête nocturne de Marie-Antoinette
dans son jardin à l'anglaise du Petit Trianon, au pied du Temple de l'Amour.
Vraisemblablement celle de la dernière et plus superbe fête de toutes,
celle du 21 juin 1784 donnée en l'honneur du Roi de Suède, Gustave III,
accompagné par le Comte de Fersen.
LESPINASSE Louis-Nicolas De (Chevalier) (attr.). (Pouilly-sur-Loire, 1734 - Paris, 1808)
"VUE DE TRIANON, PRISE DANS LE JARDIN ANGLAIS ENTRE LE CHATEAU ET LE TEMPLE DE L'AMOUR, ECLAIREE DE NUIT ET PAR REFLET".
1784.
Aquarelle sur papier, collée sur base de carton (148x262 mm).
Superbe et unique représentation de l'époque d'une magnifique fête et divertissement de nuit dans le jardin à l'anglaise du Petit Trianon de Marie-Antoinette, au pied du Temple de l'Amour.
"Dès les premiers jours du règne, Marie-Antoinette pria son jeune mari de lui donner le petit château (de Trianon) pour maison de campagne. On prêta au Roi, à cette occasion, un mot trop galant : <Madame, ces beaux lieux ont toujours été le séjour des favorites des rois ; ils doivent donc être le votre>."
La Reine, avec un goût sûr et de grandes dépenses, fit transformer les serres botaniques et les parterres à la française de Louis XV en un magnifique jardin à l'anglaise avec "point d'ermitage, point de fausse ruine, mais seulement, pour meubler et orner les perspectives, deux monuments d'une grâce fine, le Belvédère et le Temple de l'Amour".
Le Petit Trianon était sa création, son lieu de retraite et de distraction, loin de l'étiquette de la Cour de Versailles, avec sa petite "société" fidèle et complaisante.
La première fête d'inauguration fût faite en septembre 1778. A partir de cette date, plusieurs divertissements nocturnes furent organisés. Et pour séduire et enchanter "tous les fossés qui entourent le jardin, raconte Grimm, étaient semés de fascines allumées, dont la lueur, mêlée à celle de plusieurs lampions cachés avec beaucoup d'art dans le feuillage des bosquets les plus touffus, répendait au milieu de la nuit une clarté douce, semblable au clair de la lune ou au premier rayon de l'aube matinale...". (P. de Nolhac, "Marie-Antoinette", 1936, Paris, Plon, p. 184)
Des magnifiques fêtes nocturnes, restées célèbres, furent données en 1781, en honneur de Paul Ier de Russie, arrivé en incognito sous le nom de Comte du Nord.
L'aquarelle a une signature (ou abréviation de signature? ou peut-être Trianon?) en bas à gauche très peu lisible, précédée d'un numéro (N. 7) et est datée 1784. Dénichée dans une vente aux enchères ou elle était tout simplement indiquée comme "fête sur le lac", elle est presque certainement attribuable au Chevalier de Lespinasse qui fit toute un série de dessins et d'aquarelles de séduisantes perspectives du Château de Versailles et de ses dépendances qui furent ensuite gravées.
A cette aquarelle, en effet, on peut immédiatement rapprocher la "III VUE DE TRIANON, prise dans le jardin Anglais entre le Château et le Temple de l'Amour, Eclairée de nuit et par reflet" du Chevalier de Lespinasse, gravée par François-Denis Née en 1785.
La gravure reprend toute l'idée et la perspective de l'aquarelle, mais le graveur simplifie un peu la scène. Le bateau central n'est pas reproduit, le personnage debout appuyé à un arbre en bas à droite est reproduit assis. Mais tout le reste est presque identique.
Les couleurs de l'aquarelle, par contre, rendent de façon incroyable ce que la gravure ne peut pas traduire et qu'on peut seulement imaginer des récits du temps : l'effet féerique de la fête, l'illumination du Temple de l'Amour, les invités tous habillés de blanc, les arbres magiquement illuminés par les fagots cachés qui brûlent, les reflets des flammes sur l'eau du petit lac, etc.
"Le noble graveur a lancé sur le lac une flottille de barques, dociles au caprice d'un équipage féminin ; il a peuplé les allées de promeneurs qui s'asseyaient volontiers sur l'herbe, au bord de l'eau, en chapeau de paille et l'éventail dans les doigts". (P. de Nolhac, "Marie-Antoinette", 1936, Paris, Plon, p. 178)
"La fête de nuit commençait par une de ces illuminations dont le roi de Suède, Gustave III, devait voir la dernière et qu'un récit contemporain décrit ainsi : <L'art avec lequel on avait, non pas illuminé, mais éclairé le jardin anglais, produisait un effet charmant ; des terrines, cachées par des planches peintes en vert, éclairaient tous les massifs d'arbustes ou de fleurs et en faisaient ressortir les diverses teintes de la manière la plus variée et la plus agréable; quelque centaines de fagots allumés entretenaient dans le fossé, derrière le Temple de l'Amour, une grande clarté qui le rendait le point le plus brillant du jardin>.
Une des estampes du chevalier de Lespinasse représente ce coin de la fête. On y devine, à l'écart, sous les bosquets, un contraste qui devait plaire à la rêverie.
(...)
C'étaient les grands jours de Trianon, envahi quelques heures par la foule ; mais il reprenait bien vite son charme de retraite et de recueillement de solitude".
(P. de Nolhac, "Marie-Antoinette", 1936, Paris, Plon, pp. 187-188)
Pour la visite du Roi de Suède, sous le nom de Comte de Haga, en 1784, la Reine Marie-Antoinette organisa une fête qui "dépassa en magnificence toutes les précédentes, comme deux détails peuvent en témoigner : des menuisiers eurent à <planchéier les allées> couvertes de tapis et six mille quatre cents fagots furent consommés lors de l'illumination finale! Le 21 juin, <M. le Comte (...) se rendit avec le Comte de Fersen, son capitaine des Gardes, à six heures au château de la Reine.> Le roi de Suède fit lui-même le compte rendu de la reception à son frère qui ne l'accompagnait pas cette fois-là : <On a jouée sur le petit théâtre le Dormeur reveillé, par M. de Marmontel, musique de Gretri, avec tou(t) l'appareille (des) ballets de l'opéra, reunis à la comédie ittallienne. La decoration de diamans termina le spectacle. On souppa dans les pavillons du jardin, et après souper, le jardin anglais fut illumminnée: c'étoit un enchantement parfait. La Reine avait permis de se promener aux personnes honnettes qui n'ettoit pas du souper, et on avait prevenu qu'il falloit etre habillees en blanc, ce qui formoit vraiment le spectacle des Champs Ellisées. La Reine ne voulloit pas se mettre à table, mais fit les honneurs comme l'auroit pu faire la maitresse de maison la plus honnete. Elle parla à tous les Suedois et s'occupa deux avec un soin et une attention extreme.
Toutte la famille Royal y ettoit, les charges de la cour, leurs femmes, les capitaines des gardes du corps, les cheffes des autres troupes de la maison du Roi, les ministres et l'ambassadeur de Suède. la pr. De Lambal fut (la) seul des princesses de sang qui y ettoit.> La remarque du roi sur le code vestimentaire imposé aux invités extérieurs révèle que ces derniers participaient directement à l'effet féerique de l'illumination par leur déambulation même : ils étaient, tels figurants, intégrés à leur insu dans ce spectacle".
("Visiteurs de Versailles voyageurs, princes, ambassadeurs", Château de Versailles, Gallimard, 2018, p. 298)
Louis-Nicolas de Lespinasse (1734-1808) "agréé et reçu académicien en 1787, s'est fait une renommée comme peintre, dessinateur, architecte et graveur. Il signe <Chevalier de Lespinasse>. Il contribue comme illustrateur au Voyage pittoresque de la France (Laborde, 1781-1796), l'Histoire de la Russie Nouvelle (Nicolas-Gabriel Clerc, 1783), le Tableau Général sur l'Empire Ottoman (Mouradian d'Ohsson, 1787-1790). Il participe aux Salons entre 1787 et 1801. Il a travaillé avec le graveur François-Denis Née (1732-1817).
Des oeuvres du Chevalier de Lespinasse se trouvent au musée Carnavalet, à la Bibliothèque Nationale de France à Paris et au Château de Versailles".
(LCPCDMS-0001)
(Vendue)